La fin d'une histoire
La Fin
Mishaïl sortit de sa chambre et se dirigea vers le grand balcon extérieur qui entourait intégralement le château du roi d'Unalere, le plus grand royaume de l'hémisphère nord. Il pensait et se perdait dans les étranges sculptures qui ornaient le balcon.
Ici une forme lointaine de libellule, couleur bois, s'agrippait à une première arabesque courant sur toute la longueur du balcon, tandis qu'une deuxième fioriture, plus claire, chatouillait ce qui tendait à être un nez pour l'insecte.
Là, une idée de renard, assis la tête à l'envers, narguait l'imagination du jeune homme tandis qu'a l'opposé, une girafe au cou démesurément long s'enroulait en pas de vis autour du linteau de la balustrade, comme prise d'une folie serpentine.
Le maître caravanier leva la tête, pensif.
Il surplombait la capitale encore agitée par cette heure tardive, le soleil fatigué ombrageait de plus en plus l'Esplanade des Départs, Grand'Place de la capitale, d'un ton rouge-brun mystérieux. Les trois tours de la villes flamboyaient, elles, d'un rouge-sang vif et sinistre, tandis que les remparts ombrageaient la plus grande partie de la ville basse encore bruissante de la journée passée.
Le promontoire de Mishaïl présentait de haut la plaine qui le séparait de l'Ehrr par le Grand Fleuve.
Les collines du nord apparaissaient en contre jour sur le ciel rouge-orangé des soirs d'été et leur ombre couvrait en partie les grands espaces.
Son cousin , le roi Shyle, lui avait permis de loger dans son château le temps qu'il voulait, il pouvait même y passer le restant de sa vie, le roi prétextait qu'il ne le remercierait jamais assez le jeune maître pour l'immense service qu'il avait rendu à Unalere.
Sur le balcon, Sylnae vint le rejoindre. La jeune femme s'approcha et s'appuya à la rampe. Mishaïl l'avait vu arriver à sa gauche bien avant qu'elle se décide à avancer vers lui, elle attendait sur le pas de sa propre porte, probablement qu'il sorte de sa chambre, pour lui parler.
Elle frottait nerveusement ses mains sur la balustrade lustrée du balcon quand elle lâcha subitement :
« Accepterais-tu de te marier Misha ?
- Je m'attendais à cette question, Sylie, et j'ai réfléchis à la réponse que je pouvais te donner. Après les périples qui m'ont menés ici, je me suis promis de ne plus me marier avec aucune femme dans ma vie. Je veux bien vivre avec toi, mais à une condition. Pour l'instant je ne veux absolument pas me marier. En revanche mon cœur t'est totalement ouvert, non dévoué, mais ouvert.
-
As-tu conscience que ce que tu me demande là est très dur, Misha ?
-
Je sais Sylie. Mais je ne sais plus quoi penser de ma vie passée et de ce qui m'en a séparé. C'était un coup horrible.
-
Je connais très peu de ton histoire – à peine trois ans – mais tu ne semble pas avoir toujours vécu des jours très heureux et je pense commencer à te connaître. Sache que faire revivre aux autres ce que tu as vécu parce que tu ne l'a pas supporté n'arrangera pas le problème et ne t'aidera pas à le résoudre. Au contraire, tu n'en sera que plus mal. Je ne connais qu'une seule autre manière d'extérioriser le mal qui te ronge...
-
Quel est-il ? Demanda précipitamment Mishaïl en se tournant brusquement vers sa compagne. Je t'en supplie ! Je n'en peux plus ! Ce serait la clef de notre union...
-
La solution est de faire le contraire de ce que l'on t'a fait. L'on t'a fait du mal, fait du bien au gens autour de toi et petit à petit ta morosité va disparaître. Je pense que l'on va encore attendre avant de pouvoir se marier car cela prend du temps à s'estomper. »
Mishaïl souris et la pris dans ses bras pour la serrer fort. Il lâcha même quelques larmes mais ne s'en préoccupa pas, il donnait de l'amour. Sylnae en fut toute bouleversée, retournée car c'était la première fois qu'un homme pleurait à cause d'elle. Finalement il se détacha, souriant, et décida qu'il irait à la fête en l'honneur du retour de la caravane salvatrice dont il faisait partie.
[...]
« Le chat, voilà un animal tranquille. Je suis le chat qui s'en va tout seul et tout lieux se valent pour moi. »pensa-t-il.
Le chat est seul, le chat est libre, le chat est chat.
Le chat n'avait pas d'heure de gloire et s'en contentait.
Pourquoi était-il parti à l'aventure avec sa caravane miteuse qui avait faillie disparaître plus d'une fois dans son périple ? Pourquoi avait-il voulu une heure de gloire ?
Son enfance lui manquait , les enfants sont comme les chats : inglorieux, libres, enfants.
L'ombre se glissa prestement derrière lui et l'enlaça. Il se sentit rassuré, il n'était pas seul.
« Que faire ? Où aller ? »